jeudi 30 avril 2009

Le Premier Mai



En 1896 à Chigaco, des ouvriers déclenchent une grève générale pour obtenr de meilleures conditions de travail et ramener à 8 heures les journées de travail, qui étaient alors de 12, 14 voire 16 heures par jour… Ces hommes défendaient un idéal qui aujourd’hui nous semble simple : l’application des trois huit:
Huit heures de travail, huit heures de sommeil et huit heures de loisirs

Chicago a vécu alors des heures de ”guerre civile” et 60 policiers sont tués dans les affrontements. L’état de siège a été décrété et les organisateurs du mouvement ont été emprisonnés. Suite à un procès expéditif, le 9 octobre, Parsons, Engel, Fischer, Ling et Spies ont été condamnés à mort par pendaison. D'autres sont condamnés à la prison, à vie pour certains.

Augusto Spies aurait déclaré après le jugement : “Si avec notre pendaison vous pensez être capables de détruire le mouvement ouvrier et mettre a genoux ce mouvement de millions d’êtres humains humiliés, qui vivent dans la pauvreté et la misère, alors allez-y, pendez-nous.
Mais vous n’allez qu’étendre une étincelle. Quelque part, devant ou derrière vous, partout dans le monde, de nouveaux feux verront le jour. C’est un feu souterrain que vous n’arriverez pas a éteindre.”


Et le feu ne s’est jamais éteint dans le cœur de tous ceux qui rêvent d’un monde meilleur.



En France , à Fourmies en 1891, les ouvriers souhaitent commémorer le souvenir des martyrs de Chigaco, mais le Patronat s'y oppose. Comme en témoigne la carte postale-photo reproduite plus haut, non seulement la gendarmerie est mobilisée mais aussi l'armée. Le matin du 1er mai, quatre premiers ouvriers sont arrêtés pour manifestation non autorisée. La solidarité s'organise.
Peu avant 18h30, tout va basculer en quelques instants.
Une foule d'environ 2 à 300 personnes, hommes, femmes et enfants, crie des slogans sociaux et appelle à la libération des quatre "camarades" retenus depuis des heures déjà. Des cailloux volent place du Marché. Des insultes aussi. Ni plus, ni moins...
En face. Des gendarmes à pieds. D'autres à cheval. Mais surtout, en première ligne, les uniformes du 145e de ligne caserné à Maubeuge ainsi que ceux du 84e RI d'Avesnes.
L'officier le plus haut en grade, le commandant Chapus, prend la responsabilité d'ordonner, de hurler :
- " Feu ! Feu ! Feu rapide ! Visez le porte-drapeau !"
Et quand il appelle à un feu rapide, c'est parce que la troupe vient d'être dotée de fusils (de guerre, forcément) Lebel à neuf coups. Le nec plus ultra du progrès. Pour une armée rêvant d'une revanche sur 1870.

Gravure plus fidèle aux faits. Entre la troupe qui vient de canarder et les manifestants touchés ou en fuite éperdue, l'abbé Margerin. Brandissant une croix, il appelle au cessz-le-feu (DR).

L'inauguration des fusils Lebel s'est soldée, si l'on peut écrire, par dix morts.
L'intensité et la sauvagerie de cette mise en joue de civils est attestée par le nombre de projectiles ayant atteint chaque victime : 32 balles de guerre pour 9 morts.
Quant aux âges et aux sexes des cadavres relevés après le coup de sang de la troupe, ils démontrent que les soldats ne pouvaient se sentir en danger réel. Ils ont tué non pour se défendre mais pour réprimer au prix de vies d'innocents :
Maria Blondeau, 18 ans, une balle dans la tête,
- Emile Cornaille, 11 ans, une balle au cœur,
- Ernestine Diot, 17 ans, une balle dans l’œil droit, une dans le cou, cinq autres encore dans le corps,
- Kléber Giloteaux, 19 ans, cinq balles dont trois dans la poitrine,
- Louise Hublet, 20 ans, deux balles au front et une 3e dans l’oreille,
- Charles Leroy, 20 ans, trois balles,
- Gustave Pestiaux, 14 ans, deux balles dans la tête, une 3e dans la poitrine,
- Emile Ségaux, 30 ans, cinq balles,
- Félicie Tonnelier, 16 ans, une balle dans l’œil gauche, trois autres dans la tête

et Camille Latour, 46 ans, mort le 2 mai des suites de la fusillade.

Selon les critères administratifs de l'époque, neuf victimes sur dix étaient des mineurs d'âge. Dont cinq jeunes femmes. Et deux gamins de 11 et de 14 ans...

C'est à eux que je pense ce matin en me rendant au défilé. A la folie meutriére qui défie la raison humaine....A la mort tragique de Brahim BOUARRAM, jeune père de famille marocain de 29 ans résidant en France, criminellement jeté dans la Seine par des manifestants d’extrême droite, un 1er mai de haine aveugle, en 1995.
Et à Augusto Spies et au feu qui jamais ne s’éteindra dans le cœur de tous ceux qui rêvent d’un monde meilleur...

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