vendredi 27 mars 2009

Centième article : Si tu meurs, je te tue !

A mon Gérard qui tant me manque !

Par quel miracle suis-je encore là ? Comment ai-je pu passer le cap de la soixantaine?
A bien considérer les données sociologiques de notre bassin minier, la grande misère de nos équipements hospitaliers, les critères de Bruxelles, les normes de qualité , de sécurité et tous autres principes de précaution actuels, en toute logique, je devrais être mort depuis longtemps déjà. En quelque sorte, je fais du Rab!
Voyez-vous, quand j’étais gamin dans les maisons des corons des Mines, à Harnes comme ailleurs, il y avait du plomb, de la peinture aux tuyaux d’eau, et de l'amiante du sol au plafond ! Les prises électriques étaient évidemment sans protection, les fils de la lampe pendaient, les isolants étaient en bois et il n’y avait évidemment pas de prises de terre.
On passait les jours de lessive dans la cuisine, dans les grandes eaux et la buée, au milieu des fils d'alimentation de la « batteuse » rafistolés au Chatterton. A la maison on se chauffait au charbon dans une seule pièce où il n’y avait pas d’aération, tout étant calfeutré pour ne pas laisser entrer la « froidure ». On mettait l’eau de Javel, la soude, le crésyl et autres produits indispensables à la propreté et à la salubrité dans des bouteilles de bière ou de limonade. Fallait pas se tromper! Quand aux quelques boîtes de médicaments ( Mercurochrome, alcool à 90°, vermifuge, élixir parégorique, cachets d’aspirine, etc.) elles étaient sur l’étagère de la cuisine, à côté du sel et de la bouteille d’huile. On buvait l’eau au robinet ou au goulot de la pompe dans la rue, et non des bouteilles cachetées. On mangeait du pain, du beurre ou du saindoux et, quand il y en avait, des gâteaux bien sucrés et on n’était pas obèses pour autant parce qu’on était tout le temps en train de courir! On râlait quand on ne trouvait pas le midi dans les assiettes nos frites cuites à l'huile de cheval ou au gras de boeuf. On jouait, quand il n’y avait pas école, dans la rue ou au Bois de Florimond, dans les friches industrielles et aux abords des terrils. L'été on nageait dans les eaux noires du canal et on faisait du feu pour sécher nos vêtements. L'hiver on fabriquait des traîneaux ou des luges avec des planches et on glissait à fond la caisse. On se ramassait sur la chaussée pavée de nombreuses et belles « gamelles » dont nos genoux couronnés gardent le souvenir et ça nous apprenait à vivre. On grimpait aux arbres, aux murs du « Mont-Blanc » du stade Gouillard, aux poteaux de la ville et si on se cassait quelque abattis ou quelque dent on ne faisait pas d’histoires ni de dépôt de plainte contre le maire. On allait à la maraude pour manger des carottes à peine essuyées, ou des fruits verts ou verreux, ce qui parfois nous valait des poussées d'adrénaline quand le propriétaire nous coursaient, et souvent déclenchait de douloureuses coliques voire « des drisses » carabinées. Il nous arrivait, pour des défis du genre « t’es même pas cap. ! » de croquer des hannetons ou d'avaler des vers de terre. Sans dommage. On avait plein de copains, partout : il suffisait de sortir dans la rue, tous les gosses étaient là, c’était notre terrain de jeux. Et si on allait chez un camarade (un comarate ché pas d'el pichate!), on entrait chez lui , sans retenue, sans invitation, et sa mère nous faisait goûter, sans histoires. On rentrait chez nous à la nuit sans que nos parents ne se tracassent la tête. Pensez donc, on n’avait même pas de portables ! Pas de nintendo, de play station, d’ordinateurs, de baladeurs, de télé 80 chaînes, etc. Quelle triste vie, selon les critères d'appréciation du confort d'aujourd'hui. Pour autant, jamais on n'a considéré qu'on était des
« victimes de la société ». On faisait les cons ? On assumait les conséquences. On roulait partout avec nos vieux biclos de vélo, sans casque. Quand certains ont eu des bagnoles, c'étaient de vieilles Dedeuches ou des 4L retapées qui n’avaient ni ceintures ni air bag et dont les freins étaient plus que douteux. Et je ne vous dis rien des pintes de bière ou des tiots verres de « schnique » qu'on a bu tout au long de ces décennies d'existence insouciante ! Tant et tant se sont ajoutés au "premier verre qui donne le cancer" qu'on devrait tous fumer les pissenlits par la racine depuis......... Pfft ! Quant au tabac, on y était tous accros à quatorze ans, dès les premières P4 clopées goulument .
Et pourtant! Pourtant c'est bien notre génération qui a fait exploser les inventions qui font la réalité d’aujourd’hui ! Faut croire qu'on était bien élevés! On avait la liberté, on assumait les risques, on acceptait les échecs, on jouissait des succès, on était RESPONSABLES ! Je me rends bien compte que normalement, avec une vie aussi « risquée », un environnement aussi
« hostile », des façons de vivre aussi « aberrantes », je devrais être mort depuis bien longtemps ! Ne cherchez pas : ce qui m'a sauvé durant ces années de vie dangereuse, c'est ma mère. Ma mère qui, jusqu'à ses derniers jours, inlassablement, ne cessa jamais de me menacer :
« Je te préviens. Si tu meurs, je te tue! »
Alors, que faire?........ j'ai continué!

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